Selon un calendrier politique désormais bien huilé, l’ONG BLOOM a déclenché une nouvelle polémique destinée à pointer du doigt la communauté des Gens de Mer. Mais si jusqu’à présent celle-ci mettait en avant son souhait de défendre la pêche artisanale face aux mastodontes du secteur pour fidéliser les élus de gauche, la publication récente de sa « Liste Rouge », amalgamant pêle-mêle petits pêcheurs et bateaux usines comme des criminels violant systématiquement les Aires Marines Protégées, fait tomber les masques et démontre l’entreprise de destruction systématique à laquelle se livre un quarteron d’ONG à majorité anglo-saxonne contre le monde des pêcheurs français.
Bidonnages
Associée aux datascientists de l’ONG américaine Global Fishing Watch, Bloom a publié ces derniers jours une base de données qui démontre que les Aires Marines Protégées (AMP) seraient massivement pillées par des milliers de bateaux de pêche trahis par les émissions de leurs balises AIS. Si cette dénonciation a suscité un émoi sans précédent dans le monde politique comme dans la presse, le petit groupe d’enquêteurs citoyens qui compose notre publication a relevé plusieurs incohérences coupables. Contrairement aux affirmations de GFW et de Bloom, les balises AIS ne sont pas un outil destiné au suivi des flottes, mais un système de sécurité qui se déclenche lorsqu’un bateau en croise un autre pour prévenir des collisions. Contrairement au système VMS, qui est un véritable GPS naval, les émissions AIS ne sont nullement continues. Ce facteur de continuité est essentiel, car lorsque Bloom prétend qu’un bateau de pêche a stationné pendant 12 heures dans une zone protégée, la balise AIS n’a très bien pu émettre que deux fois. Et pendant ce laps de temps le bâtiment a pu être à l’arrêt en raison d’une avarie, ou au contraire effectuer un aller/retour selon une route préprogrammée et optimisée pour économiser son carburant. Cet argument est d’autant plus critique qu’une proportion importante de bateaux doit transiter par les AMP pour accéder aux zones de pêches non protégées.
Autre point critiquable, la base constituée par GFW reste totalement muette sur la vitesse des bateaux incriminés. Et ceci n’est pas innocent car selon les publications scientifiques que nous avons consultées, et qui ont évalué la faisabilité d’utiliser l’AIS pour détecter la pêche illégale, le facteur vitesse est déterminant pour administrer la preuve d’une infraction (1). Car la pêche au chalut doit suivre des vitesses précises, entre 1 et 6 nœuds. A partir de 6 nœuds, l’IFREMER considère que ce bateau n’est plus en situation de pêche mais en transit. Or avec des relevés espacés de plusieurs heures entre eux, il est d’évidence impossible de déterminer une vitesse instantanée.
« Cette méthodologie est infaillible » claironne à qui veut l’entendre Claire Nouvian. Mais si tel était le cas pourquoi donc les Etats engloutiraient-ils des centaines de dizaines de millions d’euros dans des systèmes de surveillance maritime (patrouilleurs, radars, aéronefs...) pour détecter la pêche illégale et assurer la sécurité des côtes ? Pourquoi donc financer gardes côtes et flottes navales lorsqu’il suffit de se connecter à internet pour détecter les intrus ? Tout simplement parce que l’AIS ne constitue pas un système de surveillance, il n’offre qu’une vision très fragmentée d’une situation.
Amalgames
Mais l’ONG Bloom n’a que faire des raccourcis rapides, sachant pertinemment qu’à l’heure de Twitter et du Copier/Coller le slogan l’emporte sur la démonstration. Une démonstration par ailleurs à géométrie variable. Car, nous avons observé des modifications quasi quotidiennes de cette base par Bloom/GFW, tendant à démontrer que les artisans de celle-ci sont conscients de la fragilité de leur document qu’ils modifient sans cesse. Ainsi, depuis la première publication, plus de 500 bateaux ont été retirés. Quant au sérieux des datascientist de GFW, il est légitime là aussi de s’interroger puisque nous avons trouvé dans la liste initiale plusieurs bâtiments militaires, comme El Furor des forces navales espagnoles. Enfin ajoutons que le niveau de fiabilité des données de localisation des bâtiments incriminés est noté « Moyen » pour 50% d’entre eux !
BLOOM pointe du doigt l’ensemble des pêcheurs français. Pourtant l’ONG sait-elle que la balise AIS n’est obligatoire qu’à partir de 15 mètres, et que par conséquent sa méthodologie ne permet pas d’accuser les bateaux d’une taille inférieure comme elle s’y emploie sans complexe. On découvre également que les bâtiments incriminés ne sont pas tous français et que l’on y trouve amalgamés des pavillons espagnols, chinois, britanniques...
Enfin summum de l’usurpation, Bloom tend à assimiler les Aires Marines Protégées à des sanctuaires où la pêche serait interdite. Or il s’agit de zones où la pêche est limitée au cas par cas en fonction de l’habitat et des espèces qu’elles doivent protéger. Et c’est précisément la raison pour laquelle certains bateaux ont dû modifier le type de pêche qu’ils pratiquaient à l’origine. Mais le registre européen qui les documente n’est pas mis à jour régulièrement. Une faille exploitée sans vergogne par Claire Nouvian. Enfin, last but not least, l’étude s’octroie une marge d’erreur de 1000 m pour établir la largeur du couloir emprunté par les bateaux dans les AMP, pour ensuite en déduire qu’il s’agit de la largeur de gueule des chaluts qui selon un savant calcul dévasteraient donc au total plus de 660 000 km2 de fonds marins. Or, pour tirer un tel chalut et au regard de la masse d’eau astronomique à déplacer, le bateau concerné devrait totaliser une longueur de plusieurs centaines de mètres !
Selon une source proche du dossier, certains collaborateurs de Claire Nouvian se seraient opposés en interne à la diffusion de cette liste, qu’ils estiment incompatible avec les exigences d’honorabilité. En bref, nous sommes donc bien en présence d’un document fabriqué, altéré, manipulé.
De manière indirecte, le rôle de lanceur d’alerte justicier permet également à BLOOM de dénoncer l’incompétence des pouvoirs publics tout comme leur laxisme coupable. Une méthodologie analogue à celle des Tribunaux Populaires instaurés par les militants Maoïstes au début des années 70. Or, lorsque l’on consulte les registres on découvre que les pêcheurs représentent l’activité professionnelle figurant parmi la plus surveillée de l’hexagone. Ainsi en 2023, alors que la France compte environ 3900 bateaux de pêche, les autorités maritimes ont réalisé des milliers de contrôles en mer et à terre. Dans un nouvel élan de mégalomanie auquel sont désormais habitués ses collaborateurs, Claire Nouvian déclarait au Journal Les Échos le 20 mars 2024 « Je suis au-delà de la science ! », or comme nous l’avons démontré nous sommes ici bien loin de la rigueur qui caractérise la méthode scientifique, et c’est précisément ce qui trahit toujours les manipulateurs. Nous verrons dans un prochain article que l’ONG Bloom n’est pas seulement aidée par des scientifiques douteux, elle est également soutenue par des philanthropes qui le sont plus encore.